Pétrole contre pourriture
Nicolas Bonnal [ps. Nicolas Pérégrin], dans Le Libre Journal n° 371 du 23 février 2006, page 17.
Nous sommes à Carhue, sud de la province de Buenos Aires, où les animaux prennent les eaux thermales dans un spa réputé (3 euros la journée pour une piscine aussi salée que la mer Morte et un parc de rêve). Mais Horbiger ne tourne plus rond depuis quelques jours : il se prend pour le grand mufti du Paraguay et il lance des imprécations. Les animaux s’inquiètent.
Ils parlent à tour de rôle : on retrouve Lord Bullingdon, single hurleur, Lara Petacci l’ara, le chinchillah Ravi Jacob qui pleure l’agonie du général Sharon, le pingouin Skorzeny Junior qui préfère l’eau chaude de la pileta (bassin) et bien sûr Maréchal Grommel qui soigne ses humeurs dans l’eau salée. Horbiger entame son programme, en présence d’un chien bâtard puant et bruyant qu’il a baptisé Nikmater. La bestiole y met du chien, au grand dam des animaux sauvages.
— Il n’y a pas d’islam dans la pampa.
— Ça, c’est une vérité vraie, ça.
— Il y a même des blondes aux yeux bleus en maillot de bain au bord de la piscine.
— Une provocation in-to-lé-rable !
— Et de jolies filles sur des vélos.
— Pas de viol en tournante !
— Elles sont toutes mamans à 18 ans !
— Un village gaulois, germano-voguien, italo-basque.
— Une provocation !
— Un Abdel-krim contre l’humanité ! ronronne Horbiger avant de se rendormir.
Les animaux lui remplissent un verre de vino de la Bodega Arnaldo Etchart’ primé et poursuivent leur conversation. Non sans que Lord Bullingdon III ait botté le cul du roquet, qui va aboyer ailleurs.
— Le carré magique, que les lecteurs de SdB commencent à connaître, se compose de Pigüé, Puan, Coronel Suarez et Carhue. C’est le Sud de la province bénie des dieux, à quelques encablures de Bahia Blanca. Quand on a connu toutes les Andes, toutes les yungas, tous les glaciers, c’est ici que l’on vient prendre sa retraite de Prussie.
— C’est du tourisme racial !
— Du tourisme politiquement incorrect !
— Je dirai même du tourisme politiquement érect !
— Pas tant que ça : elles ont toutes des novios et te font six enfants par décennie.
— Mais où diable se trouve-t-on ?
— En Enfer, en Francophobie. Dans la pampa argentine.
— C’est le contraire de l’Hexagonie chiraquienne. La Francophobie, c’est l’endroit écarté / où d’être homme d’honneur on ait la liberté.
— C’est de qui ça ?
— Molière.
— Moi, si un enturbanné venait me faire une scène de méninges, je lui sortirai : Go ahead, make my day !
— C’est de qui ça ?
— Dirty Harry, ignorant ! Il ne connaît même pas la filmo de Clint Eastwood.
— Oui… et tu finirais en prison.
— Ce qu’il y a de bien dans ce système hexagonique, remarque Ravi Jacob, c’est que si un flic fait son boulot, il finit en taule. Si un mec se défend, il finit en taule. Si un type se fait défigurer, il ne peut pas porter plainte.
— S’il se fait tuer non plus !
— Si un type veut lire ou écrire, il finit en taule.
— C’est la lame cachée du cimeterre. Le terrorisme juridique des esprits mrappeurs qui s’exerce sur tout un peuple et l’incite à s’écraser psychiquement puis à disparaître, comme les animaux que nous sommes disparaissent lorsque l’on nous réduit notre espace psychique ou vital.
— Oh, tes paroles me plaisent. Ravi Jacob, murmure Maréchal Grommel. Elles me remontent l’Oural. Nous avions raison pour l’Ukraine…
— Moi, j’ai toujours pensé que ceux qui tolèrent le crime et l’injustice sont pires que ceux qui les commettent.
— C’est ce que dit Primo Levi dans Si c’est un homme : la victime qui se laisse faire et attend la mort de son compagnon d’infortune pour le dépouiller est pire que le tortionnaire.
— Si la France devient un camp de concentration antifrançais où l’objet des politiques et des juridiques est de favoriser l’extermination d’un peuple par d’autres, et le but de la vie des victimes est de s’en foutre et de regarder la hausse de l’immobilier, comme des animaux qui verraient le prix de leur cage augmenter avant de finir à l’abattoir, que veux-tu que j’y fasse ? Moi je cherche à protéger la selva bolivienne où je vis, rien de plus.
— Les curés ont donné raison aux braillards, les rabbins des bois et des cités aussi, même les nazebroques français affirment tout de go que c’est les Bilderberg (cela faisait longtemps que l’on ne l’avait pas sortie de l’armoire à pharmacie, celle-là), le Mossad (ô heures les plus maussades de notre histoire !), la CIA, le reste quoi, qui provoque et même…
— Manifestent dans la rue ! Oui, les manifs au Maroc, c’est des agents du Mossad fraîchement débarqués du Club Med.
— Travestis ! Comme dans l’excellent Münich de Spielberg !
— Ce qui est marrant dans cette affaire de pétrole contre pourriture, c’est le grand silence des uns et les affirmations des autres prétendant que nos frères musulmans ne nous parlent que d’amour !
— Oui, on traduit mal : ils chantent du Lully et Francis Poulenc. De l’opérette et du Jean-Philippe Rameau !
— Et La Marseillaise !
— Oh, ne va pas les provoquer, hein !
— Le seul moyen que j’ai de leur montrer que j’ai du respect pour eux, c’est de m’égorger devant eux. Eh bien, je m’en priverai.
— Leur chien boufferait ton cadavre.
— Il faut donc construire un mur de l’Atlantique pour l’Amérique du Sud. Contre l’oxydent talibanisé…
— Après tout, pour nous, l’Europe c’est l’Orient.
— … Et contre l’Amérique du Nord. Il y a trop de missionnaires mormons par ici.
— Dire que les Bush ont laissé sortir la famille Ben Laden le lendemain des attentats… Et les couillons qui te parlent de l’héroïsme anti-américain du muslim plus soumis que jamais.
— 70 dollars le baril c’est bon pour le Texas, pas pour l’Europe. Les coffres arabes regorgent de dollars, l’Europe est ruinée, et c’est elle qui doit financer les hezbollahs qui organisent des rondes pour exterminer les Européens en Palestine.
— Ne te fais pas de mal, tiens, Horbiger se réveille…
Horbiger se réveille en effet.
— Mmmmmh… Que s’est-il passé ?
— Un rhum de cerveau, rien de grave. Je te disais de te contenter du malbec ou du syrah.
— Oh, je fais de drôles de rêves. Des fois je crois que je vis au paradis, dans une pampa, avec des animaux sympas, du bon vin et de jolies filles sages. D’autres fois je me vois dans un territoire protocolaire entouré de turbans explosés.
— Il faut demander à la Commission européenne de régulariser tes rêves clandestins !
— De les réguler plutôt.
— C’est quoi la Commission européenne ?
— C’est ce qui a succédé à la mission de l’Europe. La grosse commission de la Fin.