Pages bourguignonnes
Ivan de Duve, dans Le Libre Journal n° 372 du 23 février 2006, page 20.
Johannès Thomasset, Pages bourguignonnes, Éditions de l’Homme libre, 26, rue des Rigoles, 75020 Paris, 194 p., 2001. ISBN 2-912104-18-1.
Livre inclassable édité en Belgique en 1938 aux Éditions de la Phalange, Pages bourguignonnes est réédité par les Éditions de l’Homme libre, augmenté de deux articles publiés dans Stur par Olier Mordrel en 1938 et 1943. Je viens d’en terminer la lecture avec des sentiments d’admiration et de bonheur.
Johannès Thomasset (1895-1974) est, pour le moins que l’on puisse dire, un écrivain hors normes. Ce scientifique de la préhistoire, professeur de sciences en rupture de ban, devenu châtelain en Saône-et-Loire, n’a écrit qu’un livre, œuvre à la fois de poète, d’essayiste, d’historien.
Ce barde maudit chante la Bourgogne, patrie charnelle, et son livre a dû plaire à Marc Augier (Saint-Loup), à Léon Degrelle et à son ami l’historien Gaston Roupnel. Incontestablement Thomasset aime la Bourgogne, cette Europe médiane, héritée des Burgondes, qui tient la force des Latins et la sagesse des Germains.
« Mère toujours prisonnière et pourtant généreuse aux vainqueurs et secourable aux vaincus, ô Bourgogne ! »
Ce superbe petit livre de 194 pages s’ouvre sur un chant burgonde : « Notre cœur cherche la patrie primitive, hyperboréenne, et nos yeux quêtent la patrie promise, vers la Méditerranée. Ainsi nous attirons les hommes du Nord et les choses du Sud. C’est pourquoi nous aimons si fort le soleil et si profondément nous pensons aux choses de Germanie. Fervents de l’azur, nous sommes inconsolables des brumes. Mais nous savons unir ces contrastes : nous faisons du soleil avec le vin et notre tristesse nous est un brouillard plus précieux et plus fort que celui des rives Scandinaves. Ainsi placés sur l’axe du monde, entre la mer divine et les saintes forêts, nous portons l’inquiétude des pensées qui oscillent entre deux certitudes. »
Beau comme du Jacques Brel !
Vient ensuite un chant barbare et un vent d’Est. « Ainsi la Patrie est pour nous une nostalgie. Indécise, faite d’espoirs contraires, de rêves déçus, de craintes, sans nom désormais, sans lumière, blessée, perdue, la Patrie est pour nous un regret, une fidélité vaine. »
Beau comme du Jean Raspail.
Suivent des poèmes en prose emplis d’arbres, de montagnes et de calcaire.
« Et ce calcaire qui domine, c’est aussi le rêve, c’est la présence d’une Majesté, c’est le cri des Dieux qui appellent ceux qui rampent, c’est l’Espérance qui descend des Hauts Lieux vers ceux qui peinent. »
Beau comme de l’Orélie-Antoine Ier ! Puis ce sont des pages définitives sur Le Beuvray, Autun, Dijon, Roanne, Cluny : « Ainsi les images profanes se baignaient dans la lumière de la nef, affirmant que la vie est sainte et que l’humble effort des hommes peut prétendre aux honneurs du ciel ».
Et encore des pages sur l’aventure bourguignonne : « En ces temps d’opprobre, il sied de se tourner vers les saints et les héros. »
Suivent le Portrait d’un solitaire, Heimatlos, Éloge de la haine, Poèmes de Hans-Otto Baer, Impressions d’Allemagne, Les Merveilleuses Victoires de l’Empereur Ulrich dont Saint-Loup donne, comme toujours, le ton juste : « L’homme qui, sept ans avant le début de la Seconde Guerre mondiale a écrit Les Merveilleuses Victoires de l’Empereur Ulrich Ier est un visionnaire. Le livre se termine par des réflexions sur les Villes et Campagnes et Colonies et campagnes. « Hélas, la France, qui recueille et arme l’écume du monde pour s’en faire de la gloire, laisse périr de misère ses paysans. »
Thomasset n’est pas optimiste. Un visionnaire peut-il l’être ?