Légalement à 468 km/h sur autoroute

Le Libre Journal n° 371 du 23 février 2006, page 14.

Les millions de contraventions et de retraits de points pour « vitesse excessive au volant » devraient être purement et simplement annulées. Cette découverte énorme d’un avocat spécialiste du droit de la circulation et du Code de la route s’appuie de manière absolument irréfutable sur un principe fondamental, sur une loi votée par le Parlement et jamais abrogée, et sur un décret conforme aux directives européennes. Le principe repose sur l’adage du droit romain Nullum crimen, nulla poena sine lege, point fondamental qui prescrit que nulle condamnation ne peut être prononcée qui ne se fonde sur une loi existante.

La loi est datée du 4 juillet 1837 et rend obligatoire le « système métrique » en France.

Le décret est le texte n° 61-501 du 3 mai 1961 modifié en application des directives européennes qui désigne comme seules légales les unités du système international et définit chacune de ces unités.

Ainsi le mètre est-il « la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant 1/299 792 458e de seconde. »

La seconde est « la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133. »

L’unité légale de vitesse est le mètre/seconde. Elle peut cependant être exprimée en km/h ou toute autre unité compatible avec la situation (nœud marin, par exemple) sous réserve que l’indication en soit clairement donnée.

Mais quel que soit le système choisi finalement, la base du calcul de vitesse repose sur la définition du mètre-seconde.

Tout cela paraît bien compliqué et cependant ça l’est beaucoup moins que les conséquences légales qu’un procédurier suffisamment retors peut en tirer.

Les panneaux routiers officiels ne portent en effet aucune mention d’unité de base, naguère, ils faisaient apparaître clairement « 70 km/h » mais aujourd’hui le souci de simplification a borné l’indication à « 70 ».

Eh bien en droit pur, suivant le principe odiosa sunt restringenda (les lois défavorables à la défense sont d’interprétation stricte), ce « 70 » peut et doit se lire, conformément au seul système légal d’unités de mesure : « 70 mètres par seconde ». Faute de quoi le caprice d’un gendarme ou d’un juge pourrait décider que, selon les cas et l’humeur du moment, ce « 70 » désigne un nombre de nœuds marins, de Mph (miles per hour), de verstes par jour, de lieues de chameau par nyctémère ou de n’importe quelle autre des milliers d’unités de vitesse utilisées de par le vaste monde.

Dans le cas qui nous occupe, si le panneau de limitation de vitesse n’indique pas clairement dans quel système d’unité la vitesse limite est signalée, c’est le système légal international qui s’applique et dès lors l’automobiliste est fondé à croire qu’il est autorisé à rouler à 70 mètres par seconde.

Or ces « 70 mètres par seconde », seule mention légale, répétons-le, peuvent, par commodité, se traduire en kilomètres/heure. Ce qui donne : 252 000 mètres par heure ou, si l’on préfère le système km/h : 252 km/h.

La police de la route sort donc du strict cadre de la loi lorsqu’elle verbalise un automobiliste qui roule à moins de 252km/h sur une route de campagne. Et le dit automobiliste peut même s’offrir, par beau temps, des pointes impunies de 468 km/h (soit 130 m/s) sur autoroute.

Cela peut paraître délirant mais c’est exactement la conclusion qu’impose une lecture conforme à la législation du Code de la route et des panneaux officiels sur lesquels l’unité retenue n’est pas mentionnée.

Pour mémoire, rappelons que les matériels utilisés pour le contrôle de la vitesse des véhicules sont soumis eux-mêmes au contrôle régulier du service des poids et mesures (contrôle en l’absence duquel le procès-verbal est considéré comme nul de droit). Ce service étant du même coup le premier asservi à une rigoureuse obligation de respecter le système métrique légal international.

Un bon conseil, donc, en cas de contrôle : n’essayez pas de plaider cet argumentaire devant le pandore. Mais pensez à l’adage error communis facit jus. Une erreur commune fait naître une apparence de droit… et peut donc constituer un obstacle à des poursuites pour infraction à la loi. Et exigez de l’agent verbalisateur qu’il mentionne sur le procès-verbal que la vitesse limite était indiquée sur le panneau par la seule mention d’un nombre en l’absence de toute précision visible sur l’unité de mesure appliquée…

La suite appartiendra à votre avocat.