Géry Ghysel, tué par les intégristes de la laïcité

Le Libre Journal n° 373 du 15 mars 2006, page 3.

Le 6 mars 1906, Géry Ghysel, paroissien de Bœschèpe, était tué lors de l’inventaire de son église paroissiale. Un siècle plus tard, ils étaient près de 300 à la journée d’hommage organisée par Laïcité et Vérité et Renaissance catholique.

Après une messe traditionnelle célébrée dans l’église du village, une procession se rendit, par un froid polaire, sur la tombe de celui que Mgr Lobbedey, représentant l’évêque de Cambrai à ses obsèques, appela « un martyr, un héros, un témoin du Christ ».

Le R. P. Argouarc’h, de la Sainte-Croix de Riaumont, rendit hommage à celui qui avait voulu éviter la profanation de son église :

« Nous voici rassemblés près d’un martyr de la foi. Ici nous sommes au cœur de l’Église notre mère. Ici nous sommes au cœur des Flandres et de la France. Nous n’avons pas oublié !

« Nous n’avons pas oublié le cauchemar de cette laïcité qui s’attaque au sacré, au sens du sacré et aux dogmes catholiques. Toute la France est imprégnée de sacré et toute la France est couverte des stigmates de la Révolution. Parce que la France est le royaume de Marie, parce qu’elle est fille aînée de l’Église, alors face à la lumière il y a les ténèbres. Effacer les traces du passé est le premier acte de la barbarie et de l’Antéchrist. “Quand le monde est en feu l’Église a besoin de saints” disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. N’oublions Jamais que les autels, les sanctuaires sont les remparts de la Nation. Dans son encyclique Vehementer nos, saint Pie X disait que les temples étaient en danger s’ils tombaient dans les mains laïques. Il y avait même risque de profanation.

« Alors défendre un prêtre, défendre une église comme les Vendéens de 1793 c’est la plus grande preuve d’amour que l’on puisse donner au Christ. Et le Saint-Père avait prêché la charité, la justice, la douceur et la bonté face à la haine et au mensonge. “Marchez sans crainte pour la défense de l’Église” disait le pape.

« Charles Péguy rappelle qu’il faut être un pèlerin “qui ne voit plus que l’autel où le Christ a été sacrifié tant de fois”. Géry Ghysel a quitté sa femme et ses enfants Georges, Suzanne et Maurice. Il a choisi d’aller à l’église au lieu de partir au travail. Il a entendu l’appel du prêtre du Bon Pasteur à défendre le patrimoine de l’Église. Il a suivi la devise de Jeanne d’Arc “Dieu premier servi”.

« Les inventaires furent des atteintes à la liberté religieuse. Il s’agissait bien de persécutions et c’est en récitant le rosaire et en chantant que l’on attendait les gendarmes, les dragons, le percepteur, le commissaire de police et les crocheteurs.

« Géry tu n’avais rien pour te défendre, tu voulais seulement protéger l’Église des profanateurs. Tu voulais faire un rempart de ton corps et protéger le tabernacle.

« Et puis tu as reçu une balle en plein cœur. Tu as sûrement protégé le prêtre, légèrement blessé et sauvé par miracle.

« Au cimetière le député Plichon t’évoqua avec émotion, assis dans le palais du ciel, au milieu des martyrs. Avec lui aujourd’hui nous voulons dire les mêmes prières. “Notre compatriote, notre ami, notre frère demande à Dieu qu’il rende à la France la justice, la liberté et la paix”.

« Tu as été tué en haine de la foi, mais ton sacrifice a arrêté les inventaires et provoqué la chute du ministère. Il fallait que la graine tombe en terre pour porter du fruit. Tu as incarné une des plus belles paraboles du Christ. Monseigneur Lobbedey, vicaire général de Cambrai, le jour de ton enterrement évoqua l’Apocalypse VI, 9 : “J’ai vu sous l’autel les âmes de ceux qui ont été massacrés parce qu’ils avaient obéi à Dieu et lui avaient ainsi rendu témoignage.”

« En défendant les droits de Dieu et de son Église tu voulais dire “j’étais, je suis, je veux rester chrétien”.

« Héros, témoin du Christ martyr, defensor fidei, défenseur de la foi, gardien du sanctuaire, Flamand tu as défendu l’Église comme un lion, et c’est de ton cœur de flamand que tu as prouvé ton amour et ta fidélité. Tu as eu le cœur transpercé comme le Christ. Et maintenant tu reposes sur son Sacré-Cœur, espérance et salut de la france. Jean-Paul II disait : “L’État totalitaire tend à absorber la nation, la société, la famille, les communautés religieuses et les personnes elles-mêmes. En défendant sa liberté l’Église défend la personne qui doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes” (Centesimus Annus).

« Ici nous sommes au cœur de l’Église notre mère. Ici nous sommes au cœur des Flandres et de la France. Nous n’avons pas oublié… Et le sang des martyrs est semence de chrétienté et de résurrection. “Victoire tu règneras, Ô croix tu nous sauveras” »

Un jeune historien local, Jean Vallier, présenta ensuite son livre Inventaires sanglants en Flandre, fruit de ses recherches sur les événements de Bœschèpe et leur environnement national. Puis Jean Madiran, auteur de La Laïcité dans l’Église, s’attacha à démontrer comment, dans l’Église de France, le statut de la laïcité est passé d’un état de fait à un état de droit. Enfin Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique, clôtura par une réflexion plus générale sur les rapports entre le christianisme et la laïcité cette unique journée d’hommage aux catholiques victimes de la persécution laïque et anti-cléricale bien oubliées en ces temps de mémoire sélective.