Le retour des conventionnels
Jean Aymard de Toucéquon, Le Libre Journal n° 374 du 25 mars 2006, page 12.
Aussi décatie et vacharde que Tatie Danielle, la laïcité à la française semble résolue à célébrer son siècle d’existence en parachevant l’éradication de toute référence à la religion catholique qui a façonné l’Occident chrétien.
La France, il est vrai, n’a jamais été à court d’idées saugrenues en matière révolutionnaire et nous pouvons voir aujourd’hui se concrétiser les rêves les plus fous des idéologues de la Convention de 1792, personnification d’une révolution antireligieuse et non plus seulement anti-royaliste comme en 1789.
Jusqu’à présent, en dehors de dispositions statutaires liées à la loi de 1905, pratiquement rien n’avait changé dans la vie quotidienne des Français, à part les « lois libidineuses » (divorce, avortement, PACS) et l’activité essentielle des libres penseurs consistait à exiger que les cloches des églises cessent de sonner et que les processions laissent le pavé à la « Gay Pride » voire à la « Pute Pride » Qui a défilé à Pigalle le 18 mars.…
Chirac a changé tout cela en niant officiellement les racines chrétiennes de notre culture. La grande lessive commence donc. Les saints par exemple !
Avant que les enfants ne soient tous appelés Bambou, Peuplier ou Clafoutis, il faut faire taire ceux qui refusent ces nouveaux prénoms. Faute de mieux, on conservera dans un premier temps les anciens mais « désanctifiés ».
Cette manœuvre donne des résultats pittoresque. D’où les annonces à la météo : « Demain nous fêtons les Aline, alors bonne fête à toutes les Aline » qui, la culture générale n’étant pas la chose la mieux partagée chez les journalistes, donnent parfois des dérapages savoureux.
C’est la saint Irénée qui, par la grâce d’un e surnuméraire, est signalée par un : « Bonne fête à toutes les Irénée… » Ce qui a du surprendre, dans le séjour céleste, l’évêque lyonnais et père de l’Église qui, au IIe siècle, illustra son nom par sa sainteté. C’est, le 8 mars, l’annonce qu’il faut « fêter les Jean-de-Dieu », prénom courant comme on sait…
Au-delà des prénoms, les patronymes devront être revus : demain nous lirons Le Petit Prince d’Exupéry, nous continuerons d’ignorer les romans indigestes de Beuve, le cocufieur de Victor Hugo, et nous rêverons d’envoyer nos fils porter casoar et gants blancs à Cyr.
Dans le vocabulaire quotidien la même réforme s’impose : plus de (saint) frusquin, interdit de reporter à la (saint) Glinglin, finie la danse de (saint) Gui, plus question d’arroser un (saint) Nectaire d’un verre de (saint) Émilion avant de déguster un (saint) Honoré !
Déjà, les médias ont converti les (saintes) nitouche en « Mi-putes mi-soumises » et les carabins, eux, ont depuis longtemps adopté la version laïque du proverbe bien connu : « comme on connaît les seins, on les honore ».
Mais au-delà de l’origine hagiographique, c’est toute la symbolique chrétienne qui est remise en cause, le rêve fou des tueurs conventionnels devient réalité !
Déjà la Croix-Rouge (au mépris de la volonté de son fondateur Henri Dunant, premier prix Nobel de la paix, qui rendait hommage à son pays, en utilisant le drapeau suisse inversé) est remplacée par le losange de même couleur.
Demain il faudra s’habituer à un nouveau paysage religieux.
Pour les calvaires, c’est facile, il n’en reste pratiquement plus… Bulldozers et antiquaires s’en chargeront.
Pour les clochers, c’est moins facile, mais depuis que le coq gaulois est monté dessus, on doit pouvoir arranger cela et transformer les croix en perchoirs, voire les convertir en antennes téléphoniques !
Pour la toponymie, en revanche, il va falloir modifier les noms de milliers de villes et de villages, lieux-dits, lacs, sources, etc.
L’État laïque va donc rebaptiser (oh pardon !) tout cela… À commencer par Saintes (à croire qu’ils l’ont fait exprès !) sans parler de villages dont le nom est une scandaleuse provocation : Saint-Gilles-Croix-de-Vie en Vendée , Sainte-Croix-Vallée-Française dans les Cévennes (là on notera une connotation franchouillarde à la limite du soutenable). En outre, il y a des homophonies intolérables : la Saintonge par exemple ! À rayer de la carte !
Dieu (oups !) merci, des patriotes éclairés ont pris la chose en main. À Sorgues ils somment la municipalité de retirer des armoiries la croix qui y figure. Un peu partout, les carrefours (en croix) laissent la place aux ronds-points beaucoup plus maçonniques (et juteux pour les édiles amateurs de pots-de-vin).
Quand cela sera terminé, le moment sera venu de réformer un calendrier qui insulte la raison et de reprendre le bon vieux modèle décadaire de la Convention où chaque jour de la décade porte un nom d’outil. On « fête » déjà les Mégane, demain on pourra célébrer le baptême civil de la petite « Visseuse sans fil » et de son frère « Portable ».
Pour ce qui est de la décade, les lecteurs du Libre Journal ont une longueur d’avance…