Le coûteux voyage de Bernie au pays du nougat : 150 000 € pour en collecter 10 000 !

Le Libre Journal n° 374 du 25 mars 2006, page 7.

Sous ses dehors de chaisière jouant à la dame d’œuvre, Bernadette Chodron dite de Courcelles épouse Chirac et que les valets de plume appellent sans rigoler « la première dame de France » évoque à la fois la femme Thénardier, détrousseuse de cadavres à Waterloo et Marthe Hanaut la banquière arnaqueuse des années folles.

On a suivi avec intérêt les exercices de virtuosité juridique qui ont permis de la tirer d’affaire dans le grotesque scandale des frais de bouche de la mairie de Paris. (« Non-lieu faute de preuves » aurait grincé le juge d’instruction campé par Michel Etchevery dans le magnifiquement noir Un témoin dans la ville de Molinaro). On a considéré avec une certaine curiosité ses caprices de voyageuse lorsqu’en 2003 elle a exigé que le Falcon médicalisé de l’escorte présidentielle vienne la chercher à Tokyo pour l’emmener à Nouméa parce qu’elle ne voulait pas voisiner avec le tout-venant des premières classes du vol régulier d’Air France. On a admiré l’élégance avec laquelle elle s’affiche en blouson de jean à col de vison.

On a envié la familiarité avec la lie du showbiz qu’elle montre sur les écrans de télé. Bref, on ne se lasse pas de ses airs de caissière du Grand Café.

On a donc été enchanté par sa dernière aventure au pays du nougat même si c’est un communiste qui a mangé le morceau. Marcel Magnon qui a, bien entendu, le croc acéré, est conseiller municipal à Montélimar.

Invité à ce titre, les 28 et 29 janvier derniers à la mairie à l’occasion d’une visite de la PDF (première Dame de France) il a vu et il a raconté.

Bernadette, bonne personne, n’avait pas hésité à faire le voyage dans la France profonde pour récolter des pièces jaunes destinées à agrémenter l’ordinaire des enfants hospitalisés.

Elle était donc venue à bord d’un TGV spécial, suitée de sa cour : cent trente personnes en comptant les duchesses à tabouret, les marquis à madrigaux et les larbins en livrée. Elle avait même payé de sa personne jusqu’au bout n’hésitant pas à passer la nuit dans cette riante cité dont Jean Yanne disait « je serais dans le nougat, je vivrais à Montélimar. Je suis dans le showbiz, je vis à Hollywood ». Le bon peuple montilien, tout esbaubi de cet honneur se montra généreux. Les trente mille habitants parvinrent en retournant leurs poches déjà vidées par la politique chiraquienne à en faire tomber dix mille euros de plus supposés filer vers les caisses de l’association présidée par Bernie la Berneuse.

Laquelle, ce devoir accompli, retrouva ses palais élyséens et le bonheur de pouvoir se chauffer les nougats (ce week-end-là, à Montélimar, les dieux incléments avaient envoyé quarante centimètres de neige et un froid sibérien).

Et c’est là qu’intervient le vilain coco Magnon.

Grâce à un document oublié dans le train du retour par un larbin de la dame et fâcheusement découvert par « un camarade de Sud Rail », Marcel a découvert et fait connaître les détails suivants négligés par la presse locale dans les récits de la visite quasi-présidentielle.

La moitié de la suite, soit soixante et une personnes, a été hébergée dans trente et une chambres simples, trois doubles et treize villas de l’hôtel le plus sélect du coin. La note de cet hébergement aurait, selon Marcel, été payée par la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.

Le maire de Montélimar interpellé par Marcel a confirmé que l’intendance de l’opération (deux podiums pour les spectacles, animations, stands, personnels, services de sécurité) a été assurée et financée par la municipalité à concurrence de quatre-vingt mille euros.

Le TGV spécial a été pris en charge par les services de sponsoring de la SNCF. À la louche, donc, ce voyage qui a rapporté dix mille euros de pièce jaunes a coûté à peu près quinze fois plus aux contribuables nationaux ou communaux, en frais de transport, de bouche, de séjour et autres.

À tout prendre il eût mieux valu que Bernie demandât le fric à la mairie de Montélimar, aux hôpitaux, à la SNCF et aux autres commanditaires et qu’elle aille le porter en personne aux enfants malades. Bien sûr, elle n’aurait pas eu le plaisir de déjeuner dans le meilleur restaurant de Montélimar, mais on est sûr que les gosses lui auraient fait partager leur plateau-repas de grand cœur.