Ce coup-ci, la France a perdu la bataille duraille
Serge de Beketch, Le Libre Journal n° 380 du 9 juin 2006, page 3.
Voilà soixante ans, la Coopérative générale du cinéma français, officine stalinienne fondée par le communiste Henri Alekan (cousin du truqueur d’histoire Jules Isaac qui pilla et défigura l’œuvre de son patron Malet mort héroïquement en 14-18), faisait financer par le contribuable un film de propagande communiste, La Bataille du rail d’où il ressortait que les acolytes du déserteur Thorez avaient gagné seuls la guerre contre le nazisme.
Ce pensum héroïco-coco emmerda des générations d’écoliers que leurs instits enfermaient dans des préaux obscurcis de lourds rideaux noirs pour leur injecter le poison marxiste par l’image.
Six décennies plus tard, cette imposture vient d’être condamnée pour mensonge, trucage et propagande. Le tribunal administratif de Toulouse a jugé que, loin d’être le cénacle de résistants qu’on nous disait, la SNCF avait, sans protestation ni réserve, mis son matériel, ses moyens et son personnel consentant au service de l’occupant, poussant le cynisme jusqu’à facturer le transport au prix du billet de troisième alors que les voyageurs étaient enfermés dans des wagons à bestiaux.
Cette condamnation est le fruit des efforts de Georges Lipietz, communiste qui passa trois mois à Drancy où la SNCF l’avait voituré depuis Toulouse et d’où il fut libéré (« in extremis » bien sûr) le 17 août 1944.
De ce jour, ce juif communiste germano-polonais consacra sa vie à obtenir réparation de l’État français pour ce voyage et ce séjour non désirés. À sa mort, à l’âge de 80 ans, le dossier fut repris par ses héritiers.
Son fils Alain Lipietz, stalinien (« chez Staline, le positif l’emporte sur le négatif », Libération 21/06/2001) a reçu le fruit de ce long effort : soixante mille euros de dommages et intérêts qui, ajoutés à son indemnité de député européen vert devraient apaiser son inextinguible chagrin ou, au moins, lui permettre de pleurer dans des mouchoirs de fine baptiste.
Mais l’affaire dépasse et de loin le drame humain. Il est en effet douteux que les chasseurs de prime de la communauté s’arrêtent en chemin.
D’ailleurs, la SNCF est poursuivie par d’autres Juifs devant les tribunaux américains (d’autant plus généreux en matière de dommages que c’est la France qui paiera) et comme la société d’État a astucieusement choisi pour défenseur l’intéressant mais paradoxal avocat à roulettes Arno Klarsfeld, on peut d’ores et déjà prévoir que l’addition finale sera salée. Il faut donc s’attendre à voir s’appuyer sur cette jurisprudence non seulement les centaines de milliers d’héritiers, ayant-droit, fils, petits-fils, arrière-petits, de quiconque aura pris le train à son corps défendant entre mai 40 et juin 44. Ce qui risque de faire du monde.
Pire encore : on ne voit pas de raison pour que l’addition soit présentée à la seule SNCF.
Il est évident, cette société nationale née en 1938 du vol par le Font populaire de cinq grandes compagnies privées n’a pu accéder au désir des autorités d’occupation qu’avec l’aide de nombreux complices. Citons, en vrac et sans prétendre à l’exhaustivité, les charbonnages pour le combustible des chaudières, les usines métallurgiques pour les rails, les carrières pour les pierres des ballast, les marchands de bois de traverse, les maçons constructeurs de gares, les tailleurs qui ont coupé les tenues des cheminots (encore que ceux-là, on peut les oublier…).
Sans compter les ouvriers, employés, cadres et dirigeants, tous complices de cette besogne et que le tribunal montre du doigt comme « les agents (qui) avaient eux-mêmes obstrué les ouvertures (des wagons), sans fournir aux personnes transportées ni eau, ni nourriture, ni conditions minimales d’hygiène ».
En cherchant bien, un avocat malin pourrait même obtenir trois sous des héritiers de Denis Papin sans qui rien de tout cela ne serait advenu.
Il y a là une véritable mine d’or dont la concession vient d’être accordée par la justice française aux officines de rentabilisation de la mémoire et l’on serait bien étonné que les cabinets spécialisés n’en profitent pas.
La jurisprudence Papon ayant établi l’État comptable de ces dettes-là (les « victimes » du petit fonctionnaire de préfecture ont touché sept cent vingt mille euros d’indemnités payées par le Trésor public), on peut s’attendre dans les années qui viennent à être fermement invité à mettre la main à la poche.
À raison de soixante mille euros par personne transportée et sachant que les associations juives ont recensé cent soixante deux mille déportés, le prix du billet collectif devrait avoisiner les dix milliards d’euros.
Sans compter les Tziganes et les homos qui n’ont pas encore fait valoir leurs droits.
Ni les vaches dont on imagine le traumatisme psychologique maintenant qu’elle découvrent à quoi servaient ces trains qu’elles regardaient passer avec tant de curiosité.